quand le Tour de France a inspiré une chanson à Queen
Ayant traversé la Manche pour l'enregistrement du septième album de Queen, Freddie Mercury a assisté à une étape du Tour de France 1978. De cet événement est née une chanson, « Bicycle race », qui fit parler d'elle pour son clip subversif.
Des liens de Queen avec le monde du sport, il reste surtout des performances scéniques pleines de sueur, aux quatre coins du monde, et un hymne, « We are the champions », craché quotidiennement par les sonos des mêmes stades que le groupe de rock britannique charmait musicalement trente ans plus tôt. Il reste aussi une chanson sur le vélo, parue en 1978 sur l'album « Jazz », quelques pistes avant « Don't Stop me Now » : « Bicycle race ». Un tube oublié, à l'histoire curieuse, qui a été inspiré à Freddy Mercury par un passage du Tour de France sous la fenêtre de son hôtel.
Été 1978. Les membres de Queen sont sur une pente ascendante et viennent de sortir l'un de leurs tout meilleurs albums, « News of the world », comprenant deux de ses plus gros hits : « We are the champions » et « We will rock you ». Pour le septième album du groupe, prévu à l'automne, la barre est donc placée haut. Mercury et sa clique traversent la Manche pour l'enregistrer, notamment à Berre-les-Alpes, à quelques kilomètres au nord de Nice.
Le mythique studio Super Bear, disparu en 1986 dans un feu de forêt, qui aura vu passer Elton John, Police ou Pink Floyd, accueille donc les stars pendant quelques semaines. « Ils privilégiaient des studios résidentiels où ils pouvaient se concentrer, se rappelle Patrick Jauneaud, ingénieur son sur place pendant trois ans. Ce sont tous des ultra-perfectionnistes, doués d'un savoir-faire pour se distinguer des autres, faire plus gros, plus fort, plus spectaculaire. »
Plus inventif, aussi. Après son séjour en Côte d'Azur, Mercury fait escale en Suisse. De son hôtel, Mercury voit passer la Grande Boucle sous sa fenêtre. Probablement lors de la 18e étape, entre Morzine et Lausanne, alors qu'il était de passage à Montreux quelques jours. L'événement le met en émoi, sans que ses biographes ne parviennent à s'accorder sur la raison. Le simple défilé du peloton et de la caravane ? La victoire du Néerlandais Gerrie Knetemann ? Ou une « expérience excitante » avec Charles, un jeune coureur ayant abandonné ce jour-là, comme l'affirme David Bret, l'auteur de Freddie Mercury : une biographie intime ?
Finalement parue en octobre, en double face A avec « Fat-Bottomed Girl », « Bicycle race » n'est pas tellement une ode aux courses cyclistes, si ce n'est par son titre, mais plus à la liberté et à l'anti-conformisme. Dans son style caractéristique, Mercury y répète une trentaine de fois « I want to ride my bicycle » (« Je veux conduire mon vélo ») et multiplie les références hétéroclites, de la guerre du Vietnam à John Wayne, en passant par Star Wars. Entre deux couplets retentit un solo uniquement composé de sonneries de vélo, qui rappelle que le génie du groupe peut frapper à tous moments, peu importe l'instrument.
À sa sortie, le single fait grand bruit, pas tant par sa mélodie mais plutôt pour son clip, volontiers provocateur. Censurée dans beaucoup de pays, la vidéo montre une course entre 65 top-models, complètement nues sur leurs bicyclettes mais savamment floutées, sur le gazon londonien du Wimbledon Stadium. Lorsque la compagnie de location de vélos a appris l'usage qui avait été fait de ses engins, elle s'est désolidarisée du projet, forçant Queen à racheter toutes les montures. Le prix à payer pour faire le buzz.
Mercury avouera après-coup en interview ce que tout le monde pressentait : il n'a jamais vraiment été fana de la petite reine, préférant le ping-pong, son sport de toujours. Ce qui n'a pas empêché le single d'être un petit succès, notamment aux États-Unis, où il est devenu double disque de platine (4 millions de ventes). Aujourd'hui, il est encore repris en concert par la dernière mouture de Queen, avec Adam Lambert au micro. Pour le show, le remplaçant de Mercury l'entonne juché sur... une moto. Preuve que les sujets de Sa Majesté ne comprennent définitivement pas grand-chose au vélo.