BILLY SQUIER & QUEEN : THE GOOD COMPANY
Lors de ma première rencontre avec Queen, j'ai découvert quatre gentlemen : de la douceur dans la voix comme dans les manières. En un mot, réservés (nettement plus que sur scène, en tout cas). On est sortis diner après leur concert à l'Orpheum de Boston. J'allais m'asseoir à coté de Freddie mais, juste avant que nous prenions tous place, il a balayé furtivement la salle du regard puis a déboutonné son pantalon de satin...trop moulant pour la station assise. Ses collègues et lui-meme étaient très serieux dans leur approche du métier : il voulaient profiter à fond de la situation, ça se voyait. Ma première colaboration avec des membres du groupe remonte à 1982, pendant l'enregistrement de mon album Emotions In Motion. Freddie et Roger, alors à New York, sont venus faire un tour aux studios Power Station, ou je travaillais avec Reinhold Mack (leur co-producteur et ingénieur du son sur l'album The Game). Freddie a aussitot eu envie d'enregistrer une voix. Je n'ai jamais rencontré personne d'aussi spontanément excellent que lui. Il possédait une créativité quasi naturelle. Roger nous a rejoints à Munichpendant le mixage de l'album et rajouté quelques harmonies bienvenues. Notre tournée commune (tournée Hot Space/Emotions, 1982) a été un très grand succès. Mercury et les siens s'étaient vraiment lachés par rapport à leurs débuts, on ne s'ennuyait jamais. Ca a été une période d'excès (c'est le moins qu'on puisse dire) : on cherchait constamment à faire mieux que la veille (sur scène et ailleurs) et on y arrivait la pluspart du temps. Sur mon album suivant, Signs Of Life, j'ai littéralement du trainer Brian en studio (Capitol Studios, Los Angeles) pour qu'il grave des solos de son cru sur "(Another) 1984". Brian est un perfectionniste absolu, ennemi juré des compromis. Je le revois encore mettre en place tous ses éléments assez rapidement - à mon gout, du moins - puis les retravailler afin de peaufiner les moindres nuances. Etant moi-meme perfectionniste, je n'en revenais quand meme pas... D'autant qu'il a fini par obtenir ce qu'il voulait. Brian possède le son de guitare le plus identifiable de tous les temps, et c'est un instrumentiste formidable. Mon meilleur souvenir professionnel avec Freddie date de l'enregistrement de Enough Is Enough, à Londres. On a fait deux titres ensemble. Je lui avais fait écouter une version presque terminée de "Love Is The Hero", chez lui, à Earls Court, au printemps 1986. Le jour se levait à peine quand il m'a joué une nouvelle intro, au piano, qui m'a laissé sans voix. Je n'avais jamais entendu ça- etje n'oublierai jamais ce moment. N'ayant rien sous la main pour enregistrer, j'ai du mémoriser son idée jusqu'au soir, quand j'ai enfin réussi à l'amener en studio. Capitol refusa d'inclure de mini chef-d'oeuvre sur l'album pour des raisons d'image. Mais il figure sur l'anthologie Reach For The Sky ainsi que sur le coffret de Freddie Mercury. "Lady With A Tenor Sax" restera elle aussi comme un jaillissement spontané. Freddie me la sortie de nulle part, avant d'y ajouter quelques passages chantés improvisés en studio. A moi ensuite de gérer les paroles. Je voulais qu'il chante sur la fin du morceau, mais il n'y tenait pas: "Tu chante nettement mieux que moi", m'a-t-il expliqué (ben voyons...). Mon interprétation s'inspire de la direction indiquée par Freddie ainsi que de ses mots d'encouragement. Travailler avec lui, c'etait magique; le cotoyer, un régal. Il me manque encore aujord'hui. En plus du talent brut qui regorgeait au sein du groupe, chacun de ses membres connaissait son role et assurait un max. D'ou la réussite de Queen. Tous ses membres composaient. Trois d'entre eux chantaient, chacun avec son approche à lui. Ensemble, ils formaient un style vocale unique. Enfin, ils possédaient une présence guitaristique sans égal ainsi que le chanteur sans doute le plus imposant de l'histoire du Rock'n'Roll. Difficile de mieux faire. Billy Squier pour l'hebdomadaire Scène, Cleveland 1982 |