QUEEN + PAUL RODGERS - THE COSMOS ROCKS (2008)
Il y a encore quelques années, ça aurait paru de la pure science-fiction. Le genre de fantasme de vieux con, de celui qui ne vit que par ses rêves et ses folies envolées. Et pourtant, on est bel et bien là : le nouvel album de Queen. Rien que de l’écrire, ça me fait un petit pincement au cœur. Alors, certes, ce n’est pas Queen au complet ; l’expérience aurait été un brin morbide. But still. Brian May et Roger Taylor (le guitariste et le batteur, pour les deux du fond qui n’ont pas de culture, le bassiste John Deacon s’étant recroquevillé dans sa campagne) ne sont pas des vieux croûtons bons pour la maison de retraite, et ils comptent bien le prouver.
La résolution prit véritablement jour début 2005, alors que May et Taylor joue sur scène We Will Rock You et We Are The Champions, accompagnés au chant parPaul Rodgers, ex-leader de Free et Bad Company. Cela fut si bienfaiteur pour les trois hommes que, illico presto, l’idée naquit de leurs cerveaux en ébullitions: il fallait faire une tournée. Reprendre la scène, et créer ce parti-pris, Queen + Paul Rodgers. Dont acte. Un évènement supposé sans suite, pour pouvoir revivre une dernière fois la folie des lives, et faire renaître tous les joyaux de Queen. Les mauvaises langues disaient à l’époque qu’ils faisaient ça pour le fric. Les mauvaises langues, on les coupe. L’émotion était là.
Et voilà comment fut annoncé en 2007 la mise en chantier d’un album studio, entièrement composé de nouvelles chansons écrites par le trio. Ce sera The Cosmos Rocks (titre sûrement choisi par May, Docteur en Astrophysique qu’il est), et il nous aura fallu attendre jusqu’à ce 15 septembre 2008 pour l’entendre. Alors, oui, comme je l’ai dit en introduction de cet article, oubliez toute notion d’objectivité : quand il s’agit de Queen, ça fait un bail que je l’ai roulé en boule et laissé au fond d’un placard, pour qu’elle soit bouffée par les mites et les ragondins. Malgré tout, je vais quand même me débrouiller pour vous faire comprendre que The Cosmos Rocks est un très bon album.
Pas seulement un timide sursaut de trois bonshommes qui veulent refaire un album ensemble, mais un vrai grand et bel album de rock, avec juste ce qu’il faut de blues et de mélodies pour en faire une œuvre à géométrie variable. Brian May et Roger Taylor sont – pour ceux qui en doutaient – d’une forme olympique, tandis que Paul Rodgers(frère caché de Chuck Norris!) est définitivement le chanteur rêvé pour s’allier aux deux compères : sa voix, forte et rocailleuse, offre une élasticité héritée de sa musique blues qui convient tout à fait au style de May et Taylor. Et, surtout, tout comme on a pu s’en rendre compte au concert, il ne cherche à aucun moment à remplacer Freddie Mercury, ou lui ressembler.
Il apporte sa propre contribution, sa propre énergie, pour former un mélange final d’une texture unique, qui ne ressemble non seulement pas à Queen mais pas non plus à tout ce qui peut se faire actuellement. Et ça, on s’en rend compte dès qu’il entame Cosmos Rockin’, qui débute l’album. Après une introduction typique de Brian May à base de nappes de guitares, de bruits étranges et de voix trafiquées, la guitare se fait plus franche, riffée, tandis que Roger Taylor arrive la tête la première avec ses grosses cymbales. Devant, Paul Rodgers imprime d’entrée son style, avec une voix très rythmique qui parait posséder son propre métronome. What planet is this, mmm ? Let there be rock’n’roll !
Et puis Time To Shine verra l’apparition du piano, qui vient se fondre à la guitare. Un deuxième morceau plus posé que l’explosant premier, mais véritablement de toute beauté : la musique se fait planante, tout en gardant la pêche. Le refrain est particulièrement mémorable, Rodgers criant "Raise up your mind, It’s time to shine". Je voix d’ici tous les fans crier en chœur lors des concerts pour la tournée de l’album. Plus loin, la musique se fera plus folk avec Still Burnin’ et bluesy avec la géniale Warboys ou encore la très old-school Call Me, des joyaux marqués notamment par des solos deBrian May qui font pâlir n’importe quel jeune groupe de rock actuel. Une manière de dire qui est le patron, en somme.
Et puis, au milieu de ces titres fiévreux et enlevés, on trouve des ballades mélancoliques, oscillant entre l’acceptable (Some Things That Glitter) et l’extraordinaire dans le cas de Small et son solo de guitare ahurissant… Dans tous les cas, ces petites parenthèses mélancoliques font leur effet, rappelant du Cat Stevens ou du Johnny Cash. Et même, quelques fois, du Queen. Si si, fou, hein ? Mais tout ça servira à mieux nous préparer, nous hypnotiser, avant la claque finale, le nirvana ultime que représente Surf’s Up… School’s Out! clôturant l’album (si on ne tient pas compte de la reprise de Small en version instrumentalo-planante). Un dernier titre exceptionnel, démarrant par une nappe timide avant que tout n’explose pour le meilleur et le meilleur.
En fin de compte, après avoir écouté ce Cosmos Rocks, il faut se rendre à l’évidence : oui, Queen + Paul Rodgers ont véritablement fait un album de bon niveau. Ils ont su se réinventer pour accoucher d’un rock nerveux et puissant, parsemé de voix divines, de solos de guitares extraterrestres et d’une batterie martelée jusqu’à l’agonie. On avait peur du résultat, on craignait un truc un brin ringard, la jaquette plus atroce que l’atrocité elle-même ne nous avait pas rassuré, mais les faits sont là : Roger Taylor est toujours l’un des meilleurs batteurs qui soient, Brian May est toujours le plus grand guitariste de tous les temps, et Paul Rodgers est toujours le catalyseur d’une alchimie atemporelle et intemporelle.