SUBLIME INNUENDO
L’album des adieux. Depuis plusieurs années, on savait que le groupe Queen était rongé par un mal inconnu. L’absence du groupe sur scène depuis 1986 et les rumeurs de plus en plus persistantes ne laissaient présager rien de bon. C’est peu avant la sortie de ce baroud d’honneur nommé Innuendo en 1991 qu’on apprend la maladie dont souffre Freddie Mercury, le SIDA. Le chanteur a voulu jeter ses ultimes forces non pas dans la dépression mais dans la réalisation de cet album magique et magnifique à plusieurs niveaux. Reprenant (enfin) le chemin du rock et délaissant les égarements disco/funk/dance des années 80, le groupe se ressoude une dernière fois derrière la guitare de Brian May et derrière des compositions écrites en commun.
L’album commence par une pièce maîtresse de plus de six minutes, "Innuendo", alternant roulements de tambour, couplet et refrain bien rock, ambiance plus calme et feutrée pour déboucher ensuite sur un superbe solo de guitare sèche hispanique puis un bref moment de magie avec des choeurs que l’on croirait venu du ciel, un passage presque métal et une fin qui reprend le refrain du début de la chanson. Le coté progressif rappelle évidemment "Bohemian Rhapsody", le piano en moins mais avec le même niveau de création. On retrouve ensuite le bon Hard Rock de Queen des années 70 avec "Headlong", "Ride The Wild Wind" ou encore "The Hitman" couplés aux paroles humoristiques et parfois très légères. Plus calmes, "I’m Going Slightly Mad" et "I Can’t Live With You" restent toujours dans la veine du rock comme Queen sait si bien le faire, en lui insufflant un côté magique, de nombreux effets sonores, des choeurs sublimes, encore et toujours.
Les chansons douces ne sont pas en reste avec "Don’t Try So Hard" qui arrive à sublimer la voix de Freddie Mercury soutenue par de grandes nappes de synthétiseur. Une puissance vocale qui, même diminuée au niveau de la force, reste une des plus belles voix de l’histoire du Rock et sait une fois de plus nous émouvoir. On retrouve aussi ici la guitare cristalline unique de Brian May mais encore plus dans le presque instrumental "Bijou", ce son aigu, précis, aidé par un léger écho qui transcende l’auditeur dans un monde à part, celui de la beauté absolue, le voyage d’où on ne voudrait jamais revenir. Il n’est pas vraiment utile de se pencher trop longuement sur le tubissime "The Show Must Go On", excepté pour signaler qu’il est une sorte de testament pour les générations à venir, leur demandant de ne jamais arrêter le spectacle, chose qui comptait énormément pour Freddie Mercury.
La poétique "Delilah" est une ode presque amoureuse de Freddie pour son chat qui lui donne la joie et l’innocence dont il a grand besoin. Il ne se gène pas non plus pour crier de grands "miaaaous" sur la fin de la chanson lui donnant un petit côté déjanté et drôle. "All God’s People", avec ses nombreux choeurs gospel, marque avec "These Are The Days Of Our Lives" un côté pop et enjoué dont se régale Mercury dans un rôle de crooner irrésistible qui lui colle à la peau.
Malgré cette indéniable réussite artistique, musicale et financière, la mort de Freddie Mercury quelques mois après la sortie d’Innuendo fait planer sur cet album un fantôme de mélancolie et de tristesse là où Queen avait essayé de ne montrer que de l’humour, du positif et du sublime. Derrière le maquillage du clown de la pochette se cache une dure réalité à admettre : le monde du rock allait perdre un de ses représentants les plus doués.