Interview de Rudi Dolezal Réalisateur et producteur de "Freddie Mercury The Untold Story"
Interview de Rudi Dolezal
Réalisateur et producteur de "The Untold Story"
De quelle façon avez-vous abordé le thème "Freddie Mercury", qui est complexe et a déjà été souvent traité ?
Ce film se fonde sur un partenariat créatif avec Queen et Freddie Mercury qui a duré plusieurs années. Depuis les années 1980, nous avons assumé la réalisation et la production de la quasi-totalité des clips vidéo de Queen et de Freddie Mercury sans concours extérieur. En outre, nous avions déjà tourné deux documentaires fouillés sur Queen : "Magic Years" en 1986, et "Champions of the world" après la mort de Freddie. Nous avons commencé à tourner "The Untold Story" un an après sa disparition, à la demande de la Fondation Freddie Mercury et de la BBC à Londres.
A l'époque, nous avions déjà interviewé plusieurs personnes, et avions constaté qu'elles se sentaient si impliquées - comme nous, d'ailleurs -, qu'il n'était pas encore possible d'avoir du recul, et que nous ne pouvions pas réaliser un travail journalistique ou cinématographique avec une certaine distance. C'est la raison pour laquelle la diffusion de ce documentaire a été retardée jusqu'à ce jour. L'an dernier, avec plus de recul, nous avons essayé de brosser le portrait de l'homme Freddie Mercury, adoptant ainsi un point de vue différent des autres documentaires. Le documentaire ne contient que peu de musique de Freddie , ce qui donne la clé du titre un peu osé que nous avons retenu : "The Untold Story", ou "L'histoire inédite". Notre but était de mettre en exergue certains aspects inconnus du public de la vie d'un homme qui a été au centre de toutes les attentions, et de les documenter cinématographiquement.
Ce documentaire a été réalisé avec un grand souci du détail. Le tournage a duré plus d'un an, ce qui est impensable aujourd'hui pour un documentaire. ARTE et la BBC sont les deux seuls bastions survivants de la télévision européenne qui offrent des budgets substantiels pour des documentaires d'excellente facture. Ceci permet à des réalisateurs tels que nous de financer des projets qui sortent de l'ordinaire. Notre équipe comprenait sept personnes; nous avons voyagé dans le monde entier : Zanzibar, l'Inde, Los Angeles, Montreux, la Suisse, Londres, New York ... même si on est très très économe, la facture peut être vraiment lourde avec les frais de voyage, les salaires, les billets d'avion, etc.
Cela a été une véritable aventure, et après plus de 25 ans deproduction DoRo, je suis arrivé à la conclusion que les aventures que l'on vit dans cette branche n'ont pas de prix. Je ne parle même plus du salaire que l'on touche pour tourner un documentaire ou un projet : rien ne peut se comparer aux enseignements que l'on en tire, à l'enrichissement personnel que cela représente. En Inde, nous avons dû par exemple affronter les pluies de la mousson, ce qui est passionnant pour un Européen. Qui plus est, ce travail s'apparente un peu à celui d'un enquêteur : il faut retrouver les premiers camarades d'école, le premier grand amour, les anciens collègues musiciens de groupes qui sont tombés dans l'oubli, et reconstituer la mosaïque à l'aide de toutes ces petites pierres afin que le spectateur ait un aperçu le plus complet possible de cet homme tout à fait extraordinaire.
Avez-vous rencontré des difficultés pour entrer en contact avec les personnes que vous avez interviewées ? Je pense aux membres de la famille, aux musiciens du groupe ?
Nous travaillons depuis des années avec deux musiciens du groupe, Brian May et Roger Taylor, sur des projets relatifs à Queen. Ils n'ont pas été très difficiles à convaincre pour ce documentaire.
Ce qui est intéressant, c'est que sa mère, Jer Bulsara, qui a aujourd'hui presque 80 ans, a parlé pour la première fois devant une caméra. On la voit évoquer son fils avec enthousiasme et amour, et on voit que c'est d'elle dont Freddie a hérité au moins une partie de son énergie. Il n'a pas eu une existence facile.
On voit aussi sa soeur Kashmira, qui lui ressemble beaucoup, et qui se présentait pour la première fois devant l'objectif.
Nous nous sommes également adressés à des témoins qui ont connu Freddie, à des photographes, et surtout à Mary Austin, qui fut pendant des années l'amante et la compagne de Freddie. Nous avons aussi interviewé un autre personnage important, Jim Hutton : c'est l'homme avec lequel il a vécu en couple pendant presque six ans. Freddie Mercury a eu une destinée tragique, tout en profitant au maximum de la vie à ses débuts. Il a mené une vie extravagante et extrême. Dans les sept dernières années de son existence, pendant lesquelles il a été contaminé, il a mené une existence très rangée, dans une belle maison du quartier londonien de Kensington, avec un jardin où se trouvait une petite mare avec des carpes et une serre abritant des plantes, qu'il entretenait avec son ami. Celui-ci était un coiffeur très simple, qu'il avait rencontré dans un salon où il s'était fait couper les cheveux. Ses amis lui avaient dit : "Freddie, tu es un type extraordinaire. Pourquoi n'as-tu pas pour ami un acteur ou un écrivain, quelqu'un qui correspond mieux à ton ego et à ton intellect ?". Ce à quoi il répondait toujours : "Lui, au moins, je sais qu'il m'aime".
C'est cela que raconte le documentaire : cet homme sous les feux de la rampe et dont la vie était publique a toujours recherché l'amour et la sécurité. C'est quelque chose qui résonne toujours dans son oeuvre, et c'est ce qui explique qu'il ait écrit des chansons aussi émouvantes et fascinantes. Au fond, il était comme nous tous, bien qu'il ait beaucoup d'argent. Il m'a dit un jour : "Je ne sais même pas combien de sociétés m'appartiennent dans le monde, je n'ai même pas de lieu où accrocher mes disques d'or. En toute honnêteté, je ne pourrais même pas te dire combien d'argent j'ai sur mon compte. Je ne fais plus tout cela pour l'argent, la célébrité ou pour des biens matériels. Je veux me prouver à chaque fois que j'ai encore quelque chose à dire".
Comment s'est passé le travail avec Freddie Mercury ? Vous avez continué à tourner des clips vidéo pour lui jusque peu avant sa mort ...
J'ai été impressionné par la façon dont Freddie a affronté son épouvantable maladie. Jusqu'à la fin, il est resté un homme très fort, qui aimait la vie, qui ne versait pas dans le sentimentalisme ni dans les jérémiades, qui a supporté son destin terrible avec un grand courage jusqu'à la fin. A mes yeux, cela en fait un homme extraordinaire, au-delà de son talent d'artiste ou de chanteur.
Nous avons tourné les derniers clips de Freddie Mercury. J'ai réalisé entre autres le tout dernier clip du titre "Days of our lives" pour l'album "Innuendo". C'est la dernière fois que nous nous sommes vus. Il était déjà très malade à l'époque, et ne pouvait tourner que quelques heures par jour en raison de la fatigue qu'il ressentait. Il tenait toutefois à paraître devant la caméra pour cette chanson, qui est en quelque sorte son testament musical.
Un petit détail m'a frappé : lors du tournage de ce clip à Londres pour "Days of our lives", on entend Freddie Mercury chuchoter "I still love you"; ce sont les dernières paroles qu'il prononce dans la chanson. Nous avions pour habitude de réduire le plus possible le nombre de prises afin de ne pas trop le fatiguer. Je fais le gros plan, il chante formidablement, et je lui dis : "Merci, cela me suffit". Il insiste : "Non, non, je voudrais refaire la prise". Je réponds : "D'accord, si tu veux, on refait la même chose". Avant de prononcer ces paroles, il fait un geste typique à la Freddie Mercury, sourit à la caméra comme s'il riait de lui même, et sort du champ en faisant un pas vers la gauche.
Dans l'atmosphère survoltée qui régnait lors du tournage du clip, avec tous les gens qu'il y avait autour, je n'ai pas vraiment réalisé. C'est seulement lorsqu'il est mort et que je me suis repassé et repassé cette scène, que j'ai compris qu'il s'était probablement rendu compte à cet instant que "I still love you" seraient les dernières paroles qu'il prononcerait devant une caméra. C'était pour ses fans, et il disait ainsi adieu à la vie. C'est l'interprétation que j'en ai faite plus tard, parce que je ne pouvais pas m'expliquer pourquoi il voulait absolument refaire une prise qui était parfaitement réussie.
Ce qui était vraiment fascinant quand on travaillait avec Freddie, c'est qu'il était incroyablement rapide. Je ne suis pas particulièrement lent, mais c'était un esprit particulièrement vif et alerte.
Certains soirs, lorsque nous présentions nos projets de clips à son domicile, il faisait venir tout son personnel, le cuisinier, la femme de ménage. Ils devaient jouer les rôles pour qu'il puisse visualiser les scènes. Je me souviens d'un passage où son cuisinier, qui pesait 150 kg, devait danser en imitant un cygne en train de mourir, ce qui nous a fait éclater de rire. C'était la préparation du clip "Breakthru". Nous nous demandions s'il ne fallait pas faire appel à une ballerine pour danser au début du clip, mais l'idée a été abandonnée. J'ai toujours eu énormément de plaisir à créer avec tous ces gens.
Avez-vous assisté aux soirées extravagantes qui ont fait la réputation de Freddie Mercury ?
Freddie Mercury fut le dernier grand maître de cérémonies, et c'est quelque chose que nous avons vécu lorsque nous étions jeunes. Je me souviens d'une fête d'anniversaire à Munich. Freddie choisissait toujours un thème, qui était indiqué sur l'invitation. Tous ceux qui avaient l'honneur d'être invités - en j'en étais les dernières années - devaient suivre le thème.
Le thème de cette fête d'anniversaire à Munich était "Black and White" : tout le monde devait s'habiller en blanc et en noir. Pour que tout soit parfait, il avait fait décorer en noir et blanc une boîte de nuit qui était à l'origine en velours rouge : les tables, les sols, les plafonds, les tapis, et même les roses étaient blanches et noires. Il a versé environ 100 000 DM au propriétaire de la boîte de nuit ; c'était dans les années 1980, où l'argent avait un peu plus de valeur que maintenant, juste pour un soir et pour la décoration. Après la fête, il a dit au propriétaire : "Je te fais cadeau de la déco". Mais il voulait ravoir son velours rouge, et il a tout fait enlever et remis son triste tissu rouge. Cette boîte pourrait être aujourd'hui un musée Freddie Mercury !
La première version de "The Untold Story", qui était beaucoup plus longue, a été diffusée en salles. La version actuelle a-t-elle été raccourcie et montée spécialement pour ARTE ?
Il existe effectivement une version d'une durée de 120 minutes, qui a été diffusée dans différents pays du monde. Nous nous sommes efforcés de faire un montage pour chaque pays en retenant les thèmes qui nous paraissaient les mieux adaptés. Nous avons donc fait un montage spécial pour ARTE.
Comment êtes-vous arrivé à la conclusion que cette version réalisée pour ARTE convenait à la fois à un public allemand et à un public français ?
Je crois pouvoir dire que nous avons une certaine expérience en la matière. Nous avons déjà travaillé pour l'émission Pop Galerie. Nous espérons avoir bien choisi les extraits que nous avons montés pour ARTE.
Réalisateur et producteur de "The Untold Story"
De quelle façon avez-vous abordé le thème "Freddie Mercury", qui est complexe et a déjà été souvent traité ?
Ce film se fonde sur un partenariat créatif avec Queen et Freddie Mercury qui a duré plusieurs années. Depuis les années 1980, nous avons assumé la réalisation et la production de la quasi-totalité des clips vidéo de Queen et de Freddie Mercury sans concours extérieur. En outre, nous avions déjà tourné deux documentaires fouillés sur Queen : "Magic Years" en 1986, et "Champions of the world" après la mort de Freddie. Nous avons commencé à tourner "The Untold Story" un an après sa disparition, à la demande de la Fondation Freddie Mercury et de la BBC à Londres.
A l'époque, nous avions déjà interviewé plusieurs personnes, et avions constaté qu'elles se sentaient si impliquées - comme nous, d'ailleurs -, qu'il n'était pas encore possible d'avoir du recul, et que nous ne pouvions pas réaliser un travail journalistique ou cinématographique avec une certaine distance. C'est la raison pour laquelle la diffusion de ce documentaire a été retardée jusqu'à ce jour. L'an dernier, avec plus de recul, nous avons essayé de brosser le portrait de l'homme Freddie Mercury, adoptant ainsi un point de vue différent des autres documentaires. Le documentaire ne contient que peu de musique de Freddie , ce qui donne la clé du titre un peu osé que nous avons retenu : "The Untold Story", ou "L'histoire inédite". Notre but était de mettre en exergue certains aspects inconnus du public de la vie d'un homme qui a été au centre de toutes les attentions, et de les documenter cinématographiquement.
Ce documentaire a été réalisé avec un grand souci du détail. Le tournage a duré plus d'un an, ce qui est impensable aujourd'hui pour un documentaire. ARTE et la BBC sont les deux seuls bastions survivants de la télévision européenne qui offrent des budgets substantiels pour des documentaires d'excellente facture. Ceci permet à des réalisateurs tels que nous de financer des projets qui sortent de l'ordinaire. Notre équipe comprenait sept personnes; nous avons voyagé dans le monde entier : Zanzibar, l'Inde, Los Angeles, Montreux, la Suisse, Londres, New York ... même si on est très très économe, la facture peut être vraiment lourde avec les frais de voyage, les salaires, les billets d'avion, etc.
Cela a été une véritable aventure, et après plus de 25 ans deproduction DoRo, je suis arrivé à la conclusion que les aventures que l'on vit dans cette branche n'ont pas de prix. Je ne parle même plus du salaire que l'on touche pour tourner un documentaire ou un projet : rien ne peut se comparer aux enseignements que l'on en tire, à l'enrichissement personnel que cela représente. En Inde, nous avons dû par exemple affronter les pluies de la mousson, ce qui est passionnant pour un Européen. Qui plus est, ce travail s'apparente un peu à celui d'un enquêteur : il faut retrouver les premiers camarades d'école, le premier grand amour, les anciens collègues musiciens de groupes qui sont tombés dans l'oubli, et reconstituer la mosaïque à l'aide de toutes ces petites pierres afin que le spectateur ait un aperçu le plus complet possible de cet homme tout à fait extraordinaire.
Avez-vous rencontré des difficultés pour entrer en contact avec les personnes que vous avez interviewées ? Je pense aux membres de la famille, aux musiciens du groupe ?
Nous travaillons depuis des années avec deux musiciens du groupe, Brian May et Roger Taylor, sur des projets relatifs à Queen. Ils n'ont pas été très difficiles à convaincre pour ce documentaire.
Ce qui est intéressant, c'est que sa mère, Jer Bulsara, qui a aujourd'hui presque 80 ans, a parlé pour la première fois devant une caméra. On la voit évoquer son fils avec enthousiasme et amour, et on voit que c'est d'elle dont Freddie a hérité au moins une partie de son énergie. Il n'a pas eu une existence facile.
On voit aussi sa soeur Kashmira, qui lui ressemble beaucoup, et qui se présentait pour la première fois devant l'objectif.
Nous nous sommes également adressés à des témoins qui ont connu Freddie, à des photographes, et surtout à Mary Austin, qui fut pendant des années l'amante et la compagne de Freddie. Nous avons aussi interviewé un autre personnage important, Jim Hutton : c'est l'homme avec lequel il a vécu en couple pendant presque six ans. Freddie Mercury a eu une destinée tragique, tout en profitant au maximum de la vie à ses débuts. Il a mené une vie extravagante et extrême. Dans les sept dernières années de son existence, pendant lesquelles il a été contaminé, il a mené une existence très rangée, dans une belle maison du quartier londonien de Kensington, avec un jardin où se trouvait une petite mare avec des carpes et une serre abritant des plantes, qu'il entretenait avec son ami. Celui-ci était un coiffeur très simple, qu'il avait rencontré dans un salon où il s'était fait couper les cheveux. Ses amis lui avaient dit : "Freddie, tu es un type extraordinaire. Pourquoi n'as-tu pas pour ami un acteur ou un écrivain, quelqu'un qui correspond mieux à ton ego et à ton intellect ?". Ce à quoi il répondait toujours : "Lui, au moins, je sais qu'il m'aime".
C'est cela que raconte le documentaire : cet homme sous les feux de la rampe et dont la vie était publique a toujours recherché l'amour et la sécurité. C'est quelque chose qui résonne toujours dans son oeuvre, et c'est ce qui explique qu'il ait écrit des chansons aussi émouvantes et fascinantes. Au fond, il était comme nous tous, bien qu'il ait beaucoup d'argent. Il m'a dit un jour : "Je ne sais même pas combien de sociétés m'appartiennent dans le monde, je n'ai même pas de lieu où accrocher mes disques d'or. En toute honnêteté, je ne pourrais même pas te dire combien d'argent j'ai sur mon compte. Je ne fais plus tout cela pour l'argent, la célébrité ou pour des biens matériels. Je veux me prouver à chaque fois que j'ai encore quelque chose à dire".
Comment s'est passé le travail avec Freddie Mercury ? Vous avez continué à tourner des clips vidéo pour lui jusque peu avant sa mort ...
J'ai été impressionné par la façon dont Freddie a affronté son épouvantable maladie. Jusqu'à la fin, il est resté un homme très fort, qui aimait la vie, qui ne versait pas dans le sentimentalisme ni dans les jérémiades, qui a supporté son destin terrible avec un grand courage jusqu'à la fin. A mes yeux, cela en fait un homme extraordinaire, au-delà de son talent d'artiste ou de chanteur.
Nous avons tourné les derniers clips de Freddie Mercury. J'ai réalisé entre autres le tout dernier clip du titre "Days of our lives" pour l'album "Innuendo". C'est la dernière fois que nous nous sommes vus. Il était déjà très malade à l'époque, et ne pouvait tourner que quelques heures par jour en raison de la fatigue qu'il ressentait. Il tenait toutefois à paraître devant la caméra pour cette chanson, qui est en quelque sorte son testament musical.
Un petit détail m'a frappé : lors du tournage de ce clip à Londres pour "Days of our lives", on entend Freddie Mercury chuchoter "I still love you"; ce sont les dernières paroles qu'il prononce dans la chanson. Nous avions pour habitude de réduire le plus possible le nombre de prises afin de ne pas trop le fatiguer. Je fais le gros plan, il chante formidablement, et je lui dis : "Merci, cela me suffit". Il insiste : "Non, non, je voudrais refaire la prise". Je réponds : "D'accord, si tu veux, on refait la même chose". Avant de prononcer ces paroles, il fait un geste typique à la Freddie Mercury, sourit à la caméra comme s'il riait de lui même, et sort du champ en faisant un pas vers la gauche.
Dans l'atmosphère survoltée qui régnait lors du tournage du clip, avec tous les gens qu'il y avait autour, je n'ai pas vraiment réalisé. C'est seulement lorsqu'il est mort et que je me suis repassé et repassé cette scène, que j'ai compris qu'il s'était probablement rendu compte à cet instant que "I still love you" seraient les dernières paroles qu'il prononcerait devant une caméra. C'était pour ses fans, et il disait ainsi adieu à la vie. C'est l'interprétation que j'en ai faite plus tard, parce que je ne pouvais pas m'expliquer pourquoi il voulait absolument refaire une prise qui était parfaitement réussie.
Ce qui était vraiment fascinant quand on travaillait avec Freddie, c'est qu'il était incroyablement rapide. Je ne suis pas particulièrement lent, mais c'était un esprit particulièrement vif et alerte.
Certains soirs, lorsque nous présentions nos projets de clips à son domicile, il faisait venir tout son personnel, le cuisinier, la femme de ménage. Ils devaient jouer les rôles pour qu'il puisse visualiser les scènes. Je me souviens d'un passage où son cuisinier, qui pesait 150 kg, devait danser en imitant un cygne en train de mourir, ce qui nous a fait éclater de rire. C'était la préparation du clip "Breakthru". Nous nous demandions s'il ne fallait pas faire appel à une ballerine pour danser au début du clip, mais l'idée a été abandonnée. J'ai toujours eu énormément de plaisir à créer avec tous ces gens.
Avez-vous assisté aux soirées extravagantes qui ont fait la réputation de Freddie Mercury ?
Freddie Mercury fut le dernier grand maître de cérémonies, et c'est quelque chose que nous avons vécu lorsque nous étions jeunes. Je me souviens d'une fête d'anniversaire à Munich. Freddie choisissait toujours un thème, qui était indiqué sur l'invitation. Tous ceux qui avaient l'honneur d'être invités - en j'en étais les dernières années - devaient suivre le thème.
Le thème de cette fête d'anniversaire à Munich était "Black and White" : tout le monde devait s'habiller en blanc et en noir. Pour que tout soit parfait, il avait fait décorer en noir et blanc une boîte de nuit qui était à l'origine en velours rouge : les tables, les sols, les plafonds, les tapis, et même les roses étaient blanches et noires. Il a versé environ 100 000 DM au propriétaire de la boîte de nuit ; c'était dans les années 1980, où l'argent avait un peu plus de valeur que maintenant, juste pour un soir et pour la décoration. Après la fête, il a dit au propriétaire : "Je te fais cadeau de la déco". Mais il voulait ravoir son velours rouge, et il a tout fait enlever et remis son triste tissu rouge. Cette boîte pourrait être aujourd'hui un musée Freddie Mercury !
La première version de "The Untold Story", qui était beaucoup plus longue, a été diffusée en salles. La version actuelle a-t-elle été raccourcie et montée spécialement pour ARTE ?
Il existe effectivement une version d'une durée de 120 minutes, qui a été diffusée dans différents pays du monde. Nous nous sommes efforcés de faire un montage pour chaque pays en retenant les thèmes qui nous paraissaient les mieux adaptés. Nous avons donc fait un montage spécial pour ARTE.
Comment êtes-vous arrivé à la conclusion que cette version réalisée pour ARTE convenait à la fois à un public allemand et à un public français ?
Je crois pouvoir dire que nous avons une certaine expérience en la matière. Nous avons déjà travaillé pour l'émission Pop Galerie. Nous espérons avoir bien choisi les extraits que nous avons montés pour ARTE.