PETER FREESTONE
"Impossible de décrire mon emploi du temps à son service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Je fais tout : répondre au téléphone, faire sa cuisine, ses
comptes. Dans la vie, Freddie est une catastrophe. En 1987, au bout de huit années à ses côtés, je l’entends m’annoncer : « Peter, tu sais que je ne vais pas très bien ? » Je reste près de lui
jusqu’à la fin, le 24 novembre 1991".
Par Peter Freestone
En 1979, je travaille comme costumier à la London’s Royal Opera House. C’est là que je rencontre Freddie pour la première fois. Il est l’invité spécial d’un
grand concert de charité. En coulisses, je l’observe, avec dix-huit personnes autour de lui pour l’aider à enfiler ses costumes, très moulants à cette époque. Après le concert nous échangeons
quelques mots. Deux semaines plus tard, le manager de Queen appelle mon patron pour savoir si je veux partir six semaines en tournée avec eux, en tant que costumier. J’accepte, bien sûr.
Au bout de quelques mois, je deviens l’assistant personnel de Freddie Mercury. Je n’ai pas de contrat de travail, parce que rien ne peut décrire mon emploi. Je dois répondre au téléphone, faire
ses courses, la cuisine, les comptes... Bref, tous ces trucs que les gens font normalement seuls mais que Freddie ne fait pas. Il est capable de choses incroyables en musique mais, à côté de ça,
c’est la catastrophe ! Un jour il me réveille en pleine nuit pour me dire : « Peter, je voudrais faire du thé. Comment fait-on marcher le micro-ondes ? » Je lui réponds : « Mais on n’utilise pas
le micro-ondes pour faire du thé ! »
Etre auprès de lui est le boulot le plus épatant du monde. Mais c’est 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. En douze ans, je ne me suis éloigné de lui que trois semaines. Je me souviens, au retour d’une tournée éprouvante, lui avoir demandé à partir en vacances. Il s’exclame : « Mais darling, on revient tout juste de vacances ! » C’était Freddie !
De cette époque, je garde un souvenir particulier. Nous sommes en 1981, le jour de mon anniversaire, il m’emmène chez Cartier à New York. Il choisit un bracelet. Au moment de payer, le vendeur
lui annonce : « Ça vous fera 2 850 dollars. » Alors Freddie : « Quoi ! Il n’est pas question que je dépense une telle somme pour toi ! Mais il est si fabuleux ce bijou que... il est à toi ! » Et
il a payé, bien sûr. Je ne m’en suis jamais séparé.
« J'ai le sida, mais n'en reparlonsplus. Je ne suis pas encore mort »
Les choses évidemment changent lorsqu’il tombe malade. Je suis dans la cuisine quand il me l’annonce. C’est en 1987. Il me dit : « Peter, tu sais que je ne vais pas bien ?
– Oui, et je crois savoir pourquoi.
– J’ai le sida, mais n’en reparlons plus. Je ne suis pas encore mort. » Et nous n’en reparlerons plus jamais ! Tout ce que je peux faire, c’est rendre sa vie le plus agréable possible.
Puis, ce fameux 24 novembre 1991 arrive. Depuis une semaine, nous nous arrangeons pour qu’il y ait toujours quelqu’un auprès de lui. Je passe la dernière nuit à ses côtés, à tenir sa main. Le
matin, on sent que quelque chose cloche, alors on fait venir le médecin. Freddie est dans le coma. Il se réveille dans l’après-midi. Le soir, Jim, son petit ami, et moi montons lui faire sa
toilette. C’est là qu’il a arrêté de respirer. On court après le médecin, qui vient de partir, mais c’est trop tard...
<<Il m'a appris l'honnêté,l'humour et l'amour de l'art>>
C’est moi qui me charge des funérailles. Le monde entier a eu Freddie pour lui pendant vingt-cinq ans... Il est juste à présent que ses parents (iraniens) puissent retrouver Farrokh (le vrai prénom de Freddie) pour les derniers instants. J’organise donc la cérémonie selon leurs souhaits, d’après les rites du zoroastrisme, leur religion.
Après ces douze années, difficile de revenir à une vie normale. J’ai retrouvé un emploi d’infirmier mais un tabloïd anglais a suggéré que Freddie et moi avions été amants. J’étais le seul à Garden Lodge à ne jamais avoir eu de relation avec lui, et c’est sans doute ce qui a permis cette amitié si particulière. J’ai dû quitter mon job parce que les patients craignaient que j’aie le sida.
C’est là que je me suis rendu compte que je ne pourrais jamais m’éloigner de tout ça. Depuis, je m’investis dans la lutte contre cette maladie, et je vais partout où quelqu’un a envie d’entendre
parler de Freddie. Il m’a appris l’honnêteté, l’humour, l’amour de l’art... Maintenant l’école est finie mais je fais en sorte de vivre ma vie au mieux.
1955 Naissance à Carshalton, près de Londres.
1977 Peter intègre la London’s Royal Opera House.
1979 Rencontre avec Freddie Mercury. Peter rejoint Queen en tant que costumier sur le « Crazy Tour ».
1998 Sortie de son livre «Freddie Mercury. An intimate memoir by the man who knew him best ».
2002 Création de l’association Montreux Music qui célèbre chaque année le Freddie Mercury